Horizon 99
2012 - wip
Espaces de transition conçus pour la circulation et la consommation, les zones commerciales en périphérie urbaine s’étendent à la lisière des villes, là où l’asphalte prend le pas sur la terre, où les enseignes clignotent dans un décor sans mémoire. Ces lieux, fruits d’une urbanisation fonctionnelle et standardisée, sont devenus les décors du quotidien pour des millions de personnes, tout en étant relégués à l’arrière-plan de notre regard collectif.
Le titre Horizon 99 fait référence à cette stratégie marketing bien connue du prix psychologique, établi à ".99" plutôt qu’à l’entier supérieur pour donner une illusion d’accessibilité. C’est aussi un clin d’œil à la manière dont ces paysages nous sont présentés : presque complets, mais toujours tronqués, faussement anodins, porteurs d’un récit plus profond que leur apparente banalité ne le laisse penser. Comme ces centimes manquants, ils disent beaucoup de notre rapport au réel, à la valeur, à l’espace et à la consommation.
On observe de manière lente et attentive, un temps suspendu dans des lieux que l’on traverse sans y prêter attention. On pourrait les qualifier de non-lieux, au sens donné par l’anthropologue Marc Augé : des espaces de transit, interchangeables, sans ancrage historique ou affectif, ni identité propre autre que leur respect des chartes architecturales des enseignes. Pourtant, ces non-lieux façonnent silencieusement notre perception du monde moderne. Ils incarnent l’impact de la société de consommation sur le territoire, et la manière dont nos habitudes produisent une esthétique de l’indifférence, du provisoire devenu permanent.
Mais ces paysages ne sont pas figés. En 2024, un plan national a été lancé pour amorcer une transformation en profondeur de ces zones commerciales en entrée de ville, longtemps pensées comme des espaces uniquement dédiés au commerce et à l’automobile. L’ambition est de faire émerger de nouveaux usages : logements, équipements, nature, services, mobilités douces. Ces lieux standardisés, souvent déconnectés des tissus urbains, sont appelés à devenir des espaces de vie mieux intégrés, plus résilients, en phase avec les mutations économiques, sociales et environnementales. Ce moment de transition fragile interroge : à quelles nouvelles fonctions, à quelles nouvelles formes ces espaces peuvent-ils aspirer ? Leur image, longtemps figée, commence à vaciller.
La série questionne ainsi notre rapport à la ville, à ses marges, à l’héritage matériel de plusieurs décennies d’aménagement du territoire dicté par les logiques économiques. En documentant ces lieux dans leur état actuel, Horizon 99 pose un regard à la fois critique et poétique sur une esthétique née de l'efficacité, aujourd'hui en quête de sens. C’est aussi une invitation à reconsidérer ce que ces espaces disent de nous : de notre rapport à l’habitat, au déplacement, à la consommation, mais aussi à l’avenir.
Horizon 99 est donc un arrêt sur image, une pause dans la course, pour mieux regarder ces paysages ordinaires qui, tout en étant les plus proches de nous, sont aussi les plus invisibles. Une invitation à voir autrement, à la fois le présent et ce qu’il pourrait devenir.






